Un matin

Lever de rideau. Mélodie. La scène est vide. Une femme entre. Elle marche pieds nus, vêtue d'une nuisette rehaussée de prothèses colorées et surdimensionnées simulant des seins et des fesses. Elle tient dans une main des pantoufles et dans l’autre une robe de chambre. Elle lâche les pantoufles au sol. Elle les enfile à ses pieds. Elle revêt la robe de chambre.

Il est l’heure. Tes monstres se réveillent. Il est l’heure. L’heure de recommencer. Tes monstres arrivent. Tu dois être prête.

Prépare-toi. (La femme fait semblant de se passer de l'eau sur le visage.)

Tu traînes. Dépêche-toi. Ne perds pas de temps. Ils viennent. (Des grognements se font entendre dans les coulisses.)

Tes monstres. Les monstres … Si seulement … Je ne serais pas … Une vie mieux que … Une vie de … Alors que là. Ici. Maintenant. (Nouveaux grognements)

Sales monstres ! Tirez-vous. (Cavalcade. Une porte claque. La femme se recoiffe rapidement.)

Un jour ! Je vous jure. Un jour, je vous jure. Un jour je … Sales monstres (La femme sort, la lumière s’éteint, grognements, baisser de rideau.)

Matins

Lever de rideau. Emission radiophonique en fond sonore. La scène est vide. Une femme entre en scène. Elle porte une robe de chambre et des pantoufles. D’une main, elle tient une paire de sandales alors que de l’autre elle tire une chaise jusqu’au milieu de la scène. Elle lance les sandales au sol.

Habille-toi.
La femme enlève sa robe de chambre, ce qui laisse apparaître une blouse unie, informe et très longue. Les seins et les fesses sont surdimensionnés par des "prothèses" colorées.

Travaille. Elle lance la robe de chambre en direction de la chaise mais rate sa cible : le vêtement tombe par terre, elle ne s’en préoccupe pas. Elle fait un pas vers le public.

Dépêche. Vite. Commence. Dépêche. Les lits non la vaisselle. Sors ton balai. Alors tu commences par quoi ? T’es épuisée. Dépêche. Vite.
Une sonnerie retentit. La femme sursaute et bouge la tête dans tous les sens alors que le reste de son corps demeure immobile. Puis ses bras commencencent à effectuer des mouvements saccadés incohérents qui tendent à la transformer en marionnette.

Dépêche, ça sonne. Vite. Reprends-toi. Tes cigarettes et ton café. Y’a rien. T’en as pas. Pause.
La femme s'assoit sur la chaise et regarde les spectateurs, l’œil dans le vide. Elle respire bruyamment. Elle joue avec ses doigts, étire ses bras, enlève ses pantoufles, remue les doigts de pieds et lève les bras au ciel.

Pourquoi t’as pas écouté ? « Ton futur est pourriture » qu'ils disaient. Les monstres. « Oui, je sais » tu répondais. « ça ne suffit pas » qu'ils rétorquaient. Ils t’ont prévenus. Pourquoi t’as pas voulu entendre ? Dépêche, vite.
La femme se lève de sa chaise et parcourt la scène à grands pas. La femme enchaîne par une chorégraphie de claquettes qui se transforme progressivement en marche militaire. Puis ses pas martèlent un rythme aléatoire. Elle sourit.

Dépêche. Tu fais les lits. Puis tu laves la vaisselle. Après tu passes l'aspirateur. Tu préfères commencer par l'aspirateur puis ensuite les lits et la vaisselle pour finir ? Ou alors les lits et après soit tu laves soit tu aspires. Tu n’aspires plus à rien. Pause.
La femme se rassoit sur la chaise. Elle regarde les spectateurs. Elle désigne de l’index un spectateur, puis en vise un autre au second rang, un autre encore au rang suivant, jusqu’au dernier rang. Elle laisse retomber lourdement son bras.

Pourquoi n'as-tu pas écouté ? « Ton futur est pourriture. » « Oui, je sais. » Maintenant tu radotes.
La femme remet ses pantoufles, se lève et entame une addition silencieuse à l’aide de ses doigts ; elle se trompe, tape du pied ; elle recommence son addition, se trompe à nouveau et se prend la tête entre les mains. Elle se recroqueville, cache sa tête, bondit et forme avec son corps une croix

Ni café, ni cigarette et un toit qui pue. Pause.
La femme regarde la chaise, s’en approche, recule, puis s’en approche à nouveau, se cache le visage avec ses mains, regarde vers le public et fixe à nouveau la chaise. Elle empoigne l’objet, le soulève au-dessus de sa tête et fait mine de la fracasser au sol. Elle repose la chaise, s’éloigne et lance un coup de pied dans le vide.

Il ne faut pas. Il ne faut pas. Il ne faut pas. Les monstres sont là, ils te regardent. Ne cède pas. Non. Il ne faut pas. Ne va pas t'asseoir. Il ne faut pas. Il ne faut pas. Ne cède pas à la tentation. Les monstres. Pause.
La femme se rassoit et fouille machinalement dans ses poches. Ses doigts bougent, son bras effectue des mouvements de va et vient. Elle se frotte le bras et recommence ses recherches.

Un élastique, un sachet de bonbons vide, une capote, un tube de rouge à lèvre, une huitre, un autre élastique et et… une cigarette. Le pied. Non tu rêves pas tu jouis. Du feu. Cherche bien. Cherche. Cherche encore. Cherche.
La femme se lève, pose la cigarette sur la chaise. Elle oublie le public, lui tourne le dos, se gratte l’arrière du genou, remonte ses collants, fait mine de replacer sa culotte et jette un coup d’œil vers les coulisses, puis vers les coulisses opposées et arpente la scène.

Sous le canapé ? Derrière l’évier ? Devant le sel ? Sur la poubelle ? Dans la farine ? Tu débloques ! Dans les fleurs ? Sur le fenêtre ? Sous le téléphone ? OUI ! Du feu !
La femme se rassoit et écrase la cigarette. Elle se relève aussitôt, la cigarette écrasée à la main ; elle la tient à bout de bras, l’examine attentivement ; tente d’en faire une sculpture éphémère ; le papier se déchire, le tabac tombe au sol ; elle balaie avec son pied.

T’as fait quoi pour mériter ça ? T’as pas encore compris ? C’est la faute à tes monstres.
Elle enlève les pantoufles, enfile les chaussures, sort en tirant la chaise. La lumière s’éteint sur scène. Baisser de rideau.

Acte 3 - des millions d’après-midi

Lever de rideau. Sur la scène, une paire de pantoufles. En fond sonore, une émission télévisée. Une femme vêtue d’une blouse portant des sandales aux pieds entre en scène. Elle tire une chaise jusqu'au centre de la scène. Elle continue sa marche sans la chaise et disparaît dans les coulisses. Elle revient. Elle pousse une table. Elle sort. Elle revient avec une bouteille dans une main et un verre dans l’autre. Elle les pose sur la table. Elle sort. Elle revient en trainant des pieds et un balai.

La femme debout s’appuie sur son balai.
Dépêche, dépêche. Tu fais les lits. Ensuite tu laves la vaisselle. Après tu passes l'aspirateur. Dépêche. Commence par l'aspirateur. Ensuite les lits. Et après la vaisselle. Vite. Ou alors les lits et ensuite soit tu aspires soit tu laves et après soit tu laves soit tu aspires. Tu n’aspires plus à rien. Tu ne sais pas. Tu ne sais plus.

La femme lâche le balai, s'assoit sur la chaise et regarde le public.
On t'avait pourtant bien prévenue. Pourquoi tu l'as pas entendu ? « Ton futur est pourriture » qu'ils te disaient. « Oui, je sais » je répondais.

La femme se lève et interpelle un spectateur parmi le public.
Tu me dis que je l'ai déjà dit. Deux fois ? Tu voudrais me faire croire que je radote ? T’as rien compris. C’est pour éviter qu’ils reviennent.

La femme se dirige vers un côté de la scène.
Donc les lits. On est bientôt ce soir. A quoi bon ?

La femme se dirige vers l’autre côté de la scène.
Ensuite la vaisselle. On est bientôt ce soir. A quoi bon ?

La femme se rapproche du public, se penche en avant.
Tu vois bien que je rigole. T’as bien vu.

La femme reprend le balai en mains.
Dernière étape. Un peu de poussière ne peut pas faire de mal à personne. Alors à plusieurs ! Tu vois bien que je rigole. Tu vois bien que je vais me forcer.

La femme se rassoit et rêve le balai à la main.
On t'avait bien prévenue. Pourquoi t'as pas voulu entendre ?

La femme lâche le balai. Elle dévoile ses jambes au public. Elle se les caresse en fixant un spectateur.
Pourtant tu vois bien que tu es belle. Tu es belle. Mais quelle vie de merde tu vis ! T’es fatiguée. Si fatiguée. Il te faudrait… Tu ne sais même plus ce qu'il te faudrait. Tu es si lasse. Heureusement tu es belle. Et la vie est belle. Extrêmement belle, délicieusement belle, tellement belle, à en pleurer, tellement que tu vas te taper un petit verre.

La femme se lève et va prendre le verre. Elle le tend vers le public et boit cul sec. Elle retourne s’asseoir mais avant trébuche sur le balai.
Tu te sens mieux. Et tu vas en reprendre un. Et puis un autre. Tu fais ce que tu peux. Tu le fais ; presque ; un peu ; pas beaucoup ; comme tu peux.

La femme pleure, se mouche, lance le mouchoir dans le public.
Tu es lasse. Tu fais ce que tu peux. Va te coucher.

La femme enlève les pantoufles, les range à côté des chaussures. Elle casse le balai en deux puis attrape d’une main la bouteille et de l’autre le verre. Elle lève les deux bras au ciel et salue le public.
Salut les monstres.

Baisser de rideau

Acte répété des milliard de fois

Lever de rideau. Emission radiophonique en fond sonore. La scène comprend une table, une chaise, une paire de sandales et deux pantoufles. Une femme entre, pieds nus, vêtue d’une blouse. Elle se dirige lentement vers les pantoufles et les sandales. Elle passe un pied dans une pantoufle et l’autre pied dans une sandale. Elle boite quelques pas.

Monologue. Ne criez pas. Je n'en peux plus. Elle regarde la chaise et s'assoit.

Je suis épuisée. Usée. La vie m'a eue. Je suis usée. C'est tout. Et c'est déjà pas mal. Elle se caresse les jambes.

Taisez-vous les monstres. Vous allez voir ! D'ailleurs, moi aussi, j'aimerais bien voir. Elle redresse la tête.

C'est déjà l'heure. Encore ? Elle se lève, rajuste sa blouse, se regarde sous toutes les coutures.

T’en es où ? Elle fait quelques pas sur la scène. Elle regarde la chaise, s'assoit et se caresse les jambes.

Ils te l’ont toujours dit. Sales monstres. Quoi ? Tu sais déjà ? Tu ne le sais que trop… Tu t'ennuies. Le public aussi ? Sales monstres. A la longue, tu verras. On s'habitue. Elle se lève et s’adresse au public.

Je ne veux plus vous voir. Elle sort de scène. Fin du monologue, extinction de la lumière et baisser de rideau.

Pire acte

Lever de rideau. Aboiements en coulisses. Une chaise, une table, une pantoufle et une sandale sont disposées sur la scène. Une femme entre, vêtue d’un manteau, une sandale à un pied, une pantoufle à l’autre pied. Elle boite exagérément. Elle se dirige vers la pantoufle et la sandale. Elle les enfile ; la pantoufle rentre difficilement dans la sandale, aucun problème pour la sandale dans la pantoufle. Aboiements.

La femme ne regardera plus le public. Elle arpentera la scène tout en scandant son monologue, le mot écrit en majuscule dans le texte sera accentué démesurément.

Du calme Tu as faim C'est pas l'heure Prends un verre Non Pas le temps Et puis Tu n'as pas encore rien fait Ça peut attendre Je peux faire une petite pause La femme va chercher en coulisses une bouteille et un verre Respiration

Ça fait du bien Encore un autre Tu te sens mieux Tu as bien le droit Un plus un ce midi ça fait deux pour aujourd’hui Tu as oublié le petit durant ta pause du matin Faut dire que ça fatigue Plus un autre petit après Il faut bien cela pour supporter le retour des monstres Donc ça fait quatre Sans compter ceux du soir mais c'est pas pareil Respiration

La femme se tourne vers une coulisse Ils te fatiguent ces monstres Ils t’épuisent. Prends une petite cigarette Respiration

La femme repose sa cigarette Ces monstres Ils te fatiguent Tu es fatiguée Tu as besoin de repos il te l’a dit le Docteur Madame reposez vous un peu Madame détendez-vous Il est drôle Il n’a pas de monstre qui lui bouffe la cervelle La femme soupire pleure et reprend un verre Respiration

Tu es si seule avec tes monstres Tire-toi de là Ils vont te revenir Respiration Elle éteint la lumière Respiration Baisser de rideau

Acte en cours

La femme s'avance sur scène le texte écrit sans
paragraphe ni majuscule laisse à la comédienne le
soin de marquer les pauses dans le texte comme
elle l’entend narration hachée ou longue phrase musicale ou
suppression de mots à discuter avec qui mettra en scène
justement la scène comprend une chaise et une table une musique
douce type slow est diffusée en fond
sonore entrée en scène d’une femme vêtue d’une
blouse de pantoufles et de sandales tu ne peux pas rester comme ça tu mérite
un petit verre qui a dit encore

Mecondamnerenpubliccestlâchemesamiscarvousêtesbienmesamissinonvousseriezcomplètementfouspourquoim'écouterdepuissilongtempssansriendiresanspartircarvousêteslibresvouspouvezpartirsivousvoulezmaisvousnevoulezpasetcenestpasduvoyeurismedevotrepartvousavezraisonmoinonplusjeneveuxpaspartirlafemmeenlèvelespantouflesetlesprothèsesquittelascènelerideaufinalneserapasbaissélamusiquereprendlafemmerevientettraverselascèneelledisparaîtencoulisseelle

 

 

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